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Etoiles d'encre et de papier
13 mars 2013

Bouleversée par une série de témoignages...

Le dernier Poilu est mort, emportant avec lui ses souvenirs à vifs, ce qui l’a totalement déchiré de l’intérieur, cette foutue guerre que personne ne comprenait totalement.

 Au début, ils sont fiers et confiants. Ils sont persuadés que tout ira bien, qu’ils rentreront (rapidement) vivants et les inquiétudes familiales les amusent presque…

 Presque…

 Ils ne savent pas où ils vont et surtout pourquoi ils y vont mais ils y vont…

 Ainsi, durant les premiers mois tomberont la plupart de leurs compagnons qui laisseront derrière eux des familles entières qui seront elles-mêmes éventrées…

Il ya cette note sur la famille de l’auteur d’une des nombreuses lettes de ce recueil, mort durant la guerre, qui m’a frappée car son fils de quatorze ans, à l’époque, a dû aller travailler dans une usine de produits chimiques pour faire vivre sa famille en l’absence d’un père. Au-delà du deuil, il fallait se montrer digne d’être l’homme de la maison, l’aîné, celui qui montre l’exemple, celui qu’on prend pour exemple et celui qui incarne l’exemple… Un an et demi plus tard, à l’âge de quinze ans, il décèdera d’une leucémie…

 

 Au-delà des atrocités de la guerre, il y a eu les atrocités humaines. Et les soldats expliquent, par des mots à demi prononcés tant ils sont rongés par le remord, la honte et le chagrin, qu’ils ne sont plus totalement des hommes à partir du moment où il faut boire à quatre l’eau croupie au fond d’un trou formé par un obus, où il faut manger une simple boule de pain avec du chocolat pour toute la journée, où il faut parfois même se laisser aller… un peu trop… Et c’est ainsi que le soldat devient ivrogne le jour de paye, et c’est ainsi que le fidèle soldat et mari devient l’infidèle et une brute à la simple vue d’un bout de jupe… Quand il y en a…

 

 En 1916 déjà se ressentait le moral au plus bas, les incompréhensions, les lassitudes… Deux ans. Deux ans sur le front, au fin fond des tranchées qui sont colmatées par des cadavres d’autres soldats qui étaient cachés par la boue… et qui se découvrent sous la pluie. Et puis il y a ce passage, où le soldat explique à sa famille que dans la tranchée « Des Joyeux », ils utilisent les pieds des cadavres qui sortent de terre comme porte-manteau…

 Morbide n’est-ce pas ? Révoltant pourrait-on dire ? Mais, en fait, ils faisaient cela pour tenir le coup, ne pas songer qu’il s’agissait là de corps de chair et de sang qui étaient en train de pourrir… Et que c'était aussi le sort que leur réservait la guerre.

 

Et puis en 1916, c’est aussi la date où de plus en plus de lettres parlant d’insurrection et de fusillades pour l’exemple sont envoyées aux familles. A bas la censure ! Vive la vérité ! Le soldat se fait journaliste le temps d’un démenti personnel, le temps d’une confession tempérée, le temps de s’exprimer un peu, de soupirer sa rage et de versera sa larme de colère…

 Parce que bon sang, Clémenceau, qu’en avaient-ils à faire de toi ? Eux-mêmes l’écrivent et le disent : rien. Et de toute façon, ils n’avaient même pas le droit de s’exprimer, elle était là ta stratégie…

 1916, mine de rien, c’est aussi la dure réalité qui frappe les Poilus. Leur naïveté des premiers jours a disparu et le souffle morbide de la mort a calmé leurs ardeurs patriotiques.

 Deux ans, deux ans déjà qu’ils sont au front, espérant une permission qui ne vient jamais et quand elle vient, c’est une véritable déception car « Le Poilu c’est celui qu’on admire mais qu’on évite pour pas que ses bottes souillent les bottillons, que sa crasse abîme la veste à la dernière coupe »…

 

Ils sont mieux chez eux, ce nouveau chez eux qu’ils se sont fait, les tranchées.

 

Pourtant ils ont peur, ils savent qu’ils peuvent mourir à chaque instant et ils se font d’ailleurs pieux mais qu’en est-il alors, de la famille ? On attend leur lettre, leur colis, on leur écrit fiévreusement mais on ne peut oublier ce qui s’est passé en permission… ou plutôt ce qui ne s’est pas passé…

 

Ils se font poètes, historiens, philosophes, soldats… mais au fond ils ne sont que des hommes avec un grand H… Ils ne sont pas les poilus mais les Poilus. Toute la nuance est là !

 

Puis enfin 1918 sonne et novembre avec, sonnant le glas d’une guerre sans précédent qui aura tué des millions de civils devenus soldats le temps de régler un conflit auquel ils ne comprenaient pas tout.

 Certains ont survécut, raconté, se sont confessés le temps d’un écrit pour le cas où… et ont été emportés par la grippe espagnole de 1919, par la Seconde Guerre Mondiale, par les tracas quotidiens comme cet homme mort d’épuisement en 1920… sans parler de ceux, Juifs, qui seront déportés malgré leur statut de Poilu...

 

Ce livre, de la même initiative que Paroles d'Etoile, m'a bouleversée. Il a remué un passé ignoré mais pas oublié car trop proche. On le raconte aux enfants, on l'enseigne aux élèves, on le commémore mais rien ne vaut un recueil de témoignages tous plus poignants les uns que les autres. J'ai apprécié pouvoir lire aussi quelques témoignages de soldat allemand. Même ressenti, même galère, même guerre... J'ai aimé être plongée dans les pensées de ces hommes luttant jour après jour pour leur propre survie, ignorant alors ce qu'il adviendrait de demain. Cette réalité nous rend bien humbles... Cette vérité nous rend bien petits... Mais sans eux, nous n'en serions pas là. Merci aux Poilus ! Merci Messieurs !

 

Ce livre, c’est Paroles de Poilus, un recueil à l’initiative de Radio France.

 

Allez, je retourne à mes étoiles d’encre… et de papier !

 

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